Dans les rues de Buenos Aires, les recycleurs urbains font partie du paysage nocturne. La moitié de ces 8 000 trieurs de déchets, qu’on appelle cartoneros, sont des femmes. Et si constituer l’un des derniers maillons de la chaîne de consommation reste pour elles un moyen de survivre, elles reprennent du contrôle sur leur vie depuis qu’elles ont participé à améliorer leurs conditions de travail.
L’humidité collante de la capitale argentine s’alourdit quand Marisa Aguilera commence à ouvrir les sacs-poubelle au bas des immeubles de la rue Jeronimo Salguero. Leur contenu craque et grince, mais ne déborde pas, puisqu’elle le pousse habilement vers le haut en pressant sur les bords. D’un geste assuré, routinier, ses mains récoltent carton, plastique et verre que la recycleuse triera dans son petit appartement. Puis revendra pour des miettes. La nuit est tombée depuis deux heures, mais un uniforme à bandes fluorescentes rend Marisa visible pour les automobilistes qui frôlent son chariot.